Auteur : Elric Marsh
Titre : Ordinary Day
Musique : Gary Jules - Mad World
Dieu, c'était quand la dernière fois que tu m'as regardé ?
Probablement que toi aussi tu m'as oublié.
Je tape dans un caillou à mes pieds. Le vent devient froid. Mes cheveux sont pleins de sables. Mon ombre est gigantesque comparé à mon petit corps tout frêle. J'ai vue des enfants rire. Comment font-ils ? J'ai vue des parents les prendre dans leurs bras, panser leurs blessures, les complimenter. Pourquoi font-ils ça ? Quel est ce lien qui les unit ?
Je regarde autour de moi. Je suis maintenant tout seul dans le parc. Les petites maisons, les murs d’escalades en cordes, les balançoires, les toboggans… Tout ça est plus effrayant une fois qu’il n’y a plus personne. Et puis la nuit tombe, le froid devient plus mordant. Je sers mes bras autour de mon corps et je m’assois par terre. Ma maman m’a dit << Reste ici, je reviendrais te chercher. >> Alors je l’attends toujours. Il faisait très tôt et beau lorsqu’elle m’avait emmené au parc ce matin. Je n’ai pas bougé, comme elle me l’avait demandé, même si les autres enfants trouvaient ça étranges.
Elle ne reviendra pas.
Ce monde me rend malade. Ce monde est pire que la pire maladie. Les gens sont fous. Ils font tous semblant. Ils portent des masques. S’ils sont gentils, c’est pour pouvoir en profiter en retour. L’être humain est hypocrite. Je ne suis pas différent d’eux. Moi aussi je fais semblant. La vérité sort de la bouche des enfants. Moi je ne dis rien… ça équivaut donc à ne pas dire la vérité. Anthony dit que c’est dans ma nature. Je suis né menteur, alors, même si je dis quelque chose, je vais probablement mentir. Les gens ne croient pas les menteurs. Les gens n’aiment pas les menteurs. Je préfère donc ne rien dire, comme ça, seul mes parents le savent que je mens. Même devant eux, je ne dois rien dire, sinon ils m’abandonneront et je serai vraiment seul…
Seul comme en ce moment… ou ce que je croyais. Il fait maintenant nuit noir, le parc est vide et froid. Un homme s’approche.
- Dit petit, tu es seul ? Ou sont tes parents ?
Je ne lui réponds pas, je lève seulement les yeux vers lui puis les retournent au sol. Si je l’ignore, il partira, comme les élèves qui viennent m’énervés à l’école. Il ne part pas.
- Ne reste pas ici tout seul, vient, je vais te ramener chez toi.
Il me prend le bras et me lève debout. Mes jambes engourdies me font mal à ce soudain effort. J’ai peur. Si maman revenait à cet instant-là, elle dirait surement que c’est ma faute, qu’on ne doit pas parler aux étrangers et plus particulièrement, que c’était certain que j’avais dû me dérogé de la loi du silence que m’impose mon père. L’inconnu me regarde les bras, comme pour voir si j’y avais des blessures puis il fait pareil avec ventre.
- Je fais juste vérifier si tu n’as rien ok ?
Il met sa main sur mon entre-jambe et tout d’un coup, c’est overdose de panique. Je le repousse et m’échappe agilement hors de sa porter puis je cours. Je n’ai plus qu’une chose en tête, retourné chez moi. L’air froid de la nuit me brûle les poumons et des larmes d’angoisses brûlent mes joues. Je connais pourtant les conséquences à ma désobéissance. Je sais que mon père sera fâché, que ma mère va crier. Sauf que j’ai juste besoin d’être rassuré. Et puis peut-être que cette fois ils comprendront…
Le chemin que ma mère avait pris pour se rendre au parc était long et compliquer, mais il connaissait maintenait assez bien la ville pour trouver celui qui était le plus court. Je m’épuise rapidement et j’ai mal à la tête. Je passe devant un autre parc tout aussi vide. Celui-là aussi elle m’y avait déjà emmené. J’y avais attendu la moitié d’une journée que maman revienne. Cette fois-ci j’ai réussis à le faire plus longtemps… J’arrive enfin dans le HLM où est l’appartement de mes parents. Les portes protégées pour entrer dans l’immeuble ne sont pas barrés, comme à l’habitude. Il y a un clochard saoul mort à l’intérieur. Je le contourne en le regarda à peine et je marche, essoufflé vers la porte de l’appartement. Je cogne timidement, je n’ai pas la clé. Il y a des bruits sourds, puis plus clairs et des pas qui se rapprochent. Tracy ouvre la porte, elle a l’air fâchée. Ses cheveux blond sont en bataille, elle a une joue d’enflée, ses bras sont plein de bleus. Elle ne porte qu’une longue camisole blanche et des sous-vêtements. Elle sent l’alcool. Ma mère reste un long moment sans bouger, comme surprise de me voir. C’est Anthony qui met fin radicalement à cette étrange scène. Toujours vêtu d’un complet, mais dont trois boutons de la chemises semblent avoir été littéralement arrachés et la cravate qui manque à l’appel. Il me prend par le bras et me fait entrer en me repoussant ensuite vers le couloir des chambres. Il referme la porte extérieure en la claquant.
- Tracy ! Why is here ?
- C’est de sa faute ! Il est con merde ! Il ne comprend rien ou il ne m’écoute pas ! Je l’ai emmené au parc cet je lui ai dit de rester ! Y’es con ton bâtard ! C’est juste un ‘ti criss de con ! Y m’as désobéi s’t’enfant d’salaud !
- Shut up !
Anthony gifle ma mère avec force puis se retourne vers moi. Il s’approche. Je le regarde sans pouvoir bouger. Sans avoir rien vu venir, je sens un coup de pied dans mon ventre qui me fait m’écouler. Ma respiration se bloque, sur le coup, j’ai l’impression d’être mort, mon esprit est embrouillé mais mon souffle reprend et la douleur fait monter les larmes à mes yeux. Je sers les dents et me retiens du mieux que je peux. Si je pleure, il frappera encore. Mon père agrippe l’arrêt de mon collet et me force à me lever pour ensuite me traîner jusqu’à ma chambre. Il m’y jette comme si je n’étais qu’un vulgaire objet dont il voulait se débarrasser. La porte se referme d’un claquement ferme et je l’entends mettre les verrous extérieurs.
Je marche sur mes genoux jusqu’à atteindre mon lit, me tenant le ventre d’une main et je monte dessous, m’enfouissant ensuite sous les couvertures. J’entends de la bagarre l’autre côté, des insultes, des bris de verres. J’ai faim, j’ai mal j’ai peur. Mes yeux ne se ferment pas. Je commence à m’y habituer, ça doit faire un an que dormir m’es devenu presque impossible.
Si c’est ça la vie, pourquoi il y a tant de gens qui vivent ? Pourquoi, comment les gens arrivent à sourire ? Pourquoi aller à l’école ? Pourquoi travailler ? Pourquoi les gens cherchent-ils a noué des liens ? Peut-être sont-ils tous comme moi, perdus et suivant les ordres, les conventions et les jours comme s’ils étaient des dieux absolus.
La bagarre est terminée. Les bruits sont différents, ils baisent. Je sors de mon lit et me décide d’étudier, pour passer le temps. Il y a une tonne de livres d’apprentissages que mon père a laissés sur mon bureau s’empiles. Trigonométrie, Human Biologie, A Midsummer Night’s Dream de Shakespeare et La Comptabilité de Gestion. J’ouvre la lumière et m’assois au bureau pour étudier. De toute façon, je n’ai rien de mieux à faire.
Les journées ne s’achèvent pas, elles sont éternels, constantes, un cercle parfait. Un cercle fou qui se croit pour une ligne.
Quelque fois je me dis que j’aurais dû, dans ce parc au beau milieu de la nuit, suivre l’inconnu.
Elric Marsh, 7years old